LE TEMPS mardi 19 octobre 2004
La science des particules sous le microscope des artistes
 
  
EXPOSITION. En marge des 50 ans du CERN, le Forum Meyrin accueille des artistes
genevois pour une exposition et des performances

  
Elisabeth Chardon
   
 Etait-il possible qu’un lieu aussi incroyable que le CERN puisse fêter son
demi-siècle sans que des artistes soient inspirés par ce mystérieux laboratoire
des secrets de la matière? Sous le titre Particules accélérées, la commissaire
d’exposition Laura Györik Costas a donc réuni au Forum Meyrin ? Meyrin est
la commune genevoise qui abrite le CERN ? des oeuvres dont la majorité ont
été créées pour l’occasion. Mieux, elle a organisé deux soirées de performances
où images et musique se mêlent.

Visitons d’abord le «Salon des matières». En hommage au World Wide Web conçu
au CERN, c’est l’informatique qui relie les différents travaux présentés
ici. Ce qui explique la présence d’une réactualisation de Raoul Pictor, installation
interactive d’Hervé Graumann, et de la vidéo Datatown, du collectif FACT.
Plus neufs et plus intéressants en la circonstance, les dessins de Joëlle
Flumet ont, outre l’intérêt d’avoir été créés sur ordinateur, celui de traiter
de la curiosité, notion intrinsèque à la science. Ces huit dessins, regroupés
sous le titre de Voyance, sont issus «d’une réflexion sur le désir de voir
et le désir de savoir, l’un étant intimement lié à l’autre», explique l’artiste.
Une femme qui scrute son image debout sur une table-miroir, un homme qui
photographie une femme dans une pose dénudée sur un lit, une étrange expérience
de science de salon... autant de scènes qui invitent à un va-et-vient passionnant
entre elles.

Danse des paramécies

On verra aussi les nouvelles photographies de Michel Huelin, de la série
Biocenosis. Ces touffes géantes d’herbe verte sur fond rosé ont été traitées
par ordinateur avec un logiciel 3D et elles sèment un flou tout à fait riche
entre flore et faune. Mais la science n’a-t-elle pas montré qu’au niveau
de l’infiniment petit, les différences sont autres? Plus anciens, les clichés
de Nicolas Faure et de Pierre-Philippe Freymond évoquent plus directement
le lieu même de la recherche. Le premier a pris, en 1997, des photographies
de la grande machine du LEP, antre aux écheveaux de câbles colorés. Le second
a choisi d’installer dans un caisson lumineux, comme pour mieux pointer son
étrangeté, la photographie d’une maisonnette bardée de mises en garde liées
aux dangers du nucléaire, qui semble perdue dans la nature.

Au «Salon des particules», on peut voir en boucle les traces des performances
du 12 octobre, et notamment la danse des paramécies orchestrées par Basile
Zimmermann et Pierre-Philippe Freymond et le montage très sensible d’Ulrich
Fischer. Les artistes se sont manifestement distanciés de la matière première
qu’ils se sont vu proposer, soit des enregistrements sonores et visuels ramenés
des entrailles du CERN par Vincent Hänni et Dimitri Delcourt. Qui ouvriront
eux-mêmes la seconde soirée, prévue le lundi 25 octobre. Rudy Decelière complétera
leur prestation avec une performance sonore.


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