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POL Press



Le Phare n° 14 / mai-juillet 2013

Sinus croisés

Par Roderic Mounir

POL tension

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Loin d'être rassasié avec Eklekto, l'hyperactif POL a créé Sunisit avec son comparse Cesare Pizzi.

Boucler des boucles : quoi de plus naturel pour un musicien électro ? Et pour POL plus que tout autre, puisque parallèlement à sa relecture de Drumming de Steve Reich, oeuvre décisive dans son initiation aux motifs musicaux répétitifs, le Genevois a secrètement rodé Sunisit, son tandem avec Cesare Pizzi, responsable des claviers et samplers au sein des Young Gods de 1985 à 1989. Soit du temps des deux premiers albums (The Young Gods, 1987, et L'Eau rouge, 1989), marqueurs indélébiles de la musique helvétique et de plusieurs générations d'héritiers. C'est sur internet que POL a retrouvé la trace de Pizzi, entre-temps rangé de la foudre, père de famille, parti travailler dans l'informatique de pointe pour de grandes banques – ça ne s'invente pas.

Chassez le naturel, l'ancienne divinité sonique a rebranché ses claviers sous le pseudo Ludan Dross, sans autre ambition que son propre plaisir. « Je suis tombé sur sa page Myspace un peu par hasard, raconte POL. J'ai écouté les trois morceaux mis en ligne, qui m'ont plu. Ce n'est qu'ensuite que j'ai réalisé qu'il s'agissait de Cesare des Young Gods ! » Pizzi a quitté la scène au moment où elle connaissait un essor décisif, à Genève, avec l'ouverture de L'Usine, bastion alternatif autour duquel ont gravité quantité de squats culturellement actifs. « J'ai suivi cette évolution à distance », admet l'intéressé. Au départ bassiste de jazz et de rock à Fribourg, il a vu ses conceptions durablement bouleversées par les pionniers allemands Kraftwerk, au tournant des années 1980 : « C'est à eux que l'on doit la création d'un espace sonore singulier, avec ce minimalisme électro, ces boucles et ces effets delay. » The Young Gods auront été son labo d'apprentissage : « À l'époque, les moyens étaient rudimentaires. Sans séquenceur, il fallait jouer toutes les boucles en direct », se souvient Cesare Pizzi. Heureusement, saformation musicale et son expertise d'informaticien lui ont garanti la solidité rythmique et le système D nécessaires pour relever les défis sonores nés dans l'esprit de Franz Treichler, chanteur et principal compositeur des Young Gods. Atouts qu'on a pu apprécier, lors des récents concerts où Pizzi a retrouvé ses camarades pour interpréter ces deux premiers albums (Bernard Trontin remplaçant feu Frank Bagnoud et son successeur Üse Hiestand aux fûts telluriques). Les retrouvailles, visiblement, resteront éphémères.

Cesare Pizzi semble impatient de parler du présent, détournant la conversation vers son cadet. « Avec POL, la dynamique est différente. Il m'a confié les basses et les rythmes de ses morceaux. Cela me convenait bien, car je dispose de peu de temps pour la musique aujourd'hui. » Plus que des remixes, Sunisit propose une reconstruction intégrale de titres apparus sur Sinus (2008). « J'ai adoré l'approche hyper fine de Cesare, explique POL. Cesare a contribué à mon album de remixes, Cosinus. Nous avons commencé à jouer live ensemble, et, de fil en aiguille, a jailli l'idée de Sunisit. Pour gagner du temps, nous avons convenu de découper mes anciens morceaux en lambeaux et de les retravailler. Le résultat nous a suffisamment plu pour aboutir à un vrai disque. » La techno version POL et Ludan Dross sera « sinusoïdale » ou ne sera pas, allusion à la courbe la plus harmonieuse des fréquences sonores. Une fois assemblées, les pistes de Sunisit ont été remixées par Franz Treichler : « Plus qu'un orfèvre, maniaque jusqu'au subliminal », s'extasie le tandem, qui n'espérait pas un tel investissement de la part du leader des Gods, fort occupé. Singulière « fusée électro-dub-funky à trois étages », Sunisit évolue sur un tempo invariable de 120 battements par minute (bpm) : « C'était le concept des compositions sur Sinus, justifie POL. En live, le rythme est un peu plus trépidant, entre 125 et 130 bpm. » Pour Cesare, l'intérêt d'un tempo bas est de forcer à remplir l'espace : « Il faut mettre davantage d'accents, de fioritures. » Leur association semble en tout cas promise à un bel avenir : Sunisit vient de se produire au Caprices Festival de Crans-Montana, le même soir que Björk. Poor Records édite leur CD, qui sera dévoilé le 28 mai au Centre culturel suisse de Paris.


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